Le futur n’est pas pétrole, même les pétroliers le savent
À l’instar de Total Energies, de nombreuses firmes de l’or noir investissent des sommes colossales dans les énergies renouvelables. Mais quelles énergies ? Toutes, sauf celles qui collent pourtant parfaitement à leurs domaines d’expertise : le sous-sol. Creuser, toujours plus bas, toujours plus loin, toujours plus fort.

Ces multinationales pourraient devenir des leaders incontestés de la géothermie, si elles s’en donnaient les moyens. Voici pourquoi.
De l’exploration de gisements fossiles aux gîtes de chaleur, il n’y a qu’un pas?
Sonder le sous-sol, modéliser des réservoirs, calculer des débits, réaliser des tests mécaniques… Les pétroliers maîtrisent tout cela. Il ne leur reste plus qu’à changer de variables. Au lieu de chercher des réservoirs de liquide noir, cherchez… de l’eau chaude. Les principes restent les mêmes : repérer une couche perméable et isolée, parfaite pour extraire un fluide thermique.
Par contre, on ne va pas se mentir : dire à un pétrolier qu’il va devoir remettre sous terre ce qu’il extrait, ça risque de les faire tiquer. Prendre pour rendre ? Mais quelle drôle d’idée. Diable, hérésie ! Pourtant, c’est exactement ce que demande la réinjection des fluides dans les gîtes géothermiques pour éviter leur déplétion.
Heureusement, il existe des solutions sans échange direct avec les aquifères : des systèmes en circuit fermé ou la création de réservoirs artificiels par fracturation hydraulique. Ah, tiens, le fracking. Ça vous rappelle quelque chose ? Eh oui, même là, encore eux.
Réutiliser les puits d’extraction de pétrole : une fausse bonne idée ?
Réutiliser les anciens puits de pétrole pour la géothermie. Sur le papier, l’idée semble parfaite : réduire les coûts de forage, valoriser l’existant, faire un clin d’œil au passé. Mais dans la réalité ? Pas si simple.
- Des puits inadaptés : Les puits pétroliers n’ont pas été conçus pour extraire de la chaleur. Leur orientation, leur diamètre, et surtout leurs matériaux ne sont pas toujours compatibles avec les températures élevées nécessaires à la géothermie.
- Des infrastructures vieillissantes : Beaucoup de puits sont anciens, corrodés, et leur intégrité est douteuse. Les réadapter coûterait parfois autant que de forer du neuf.
- Le problème de la réinjection : Dans une géothermie performante classique, il faut réinjecter l’eau dans l’aquifère pour maintenir la pression et éviter l’épuisement thermique. Les anciens puits ne permettent pas toujours cette double circulation fluide.
Moralité ? Réutiliser ces puits, c’est sympa en théorie, mais techniquement, le pari est risqué. Mais pas impossible. Il ne faut cependant pas que cela justifie l’ouverture de nouveaux puits en nous disant “vous inquiétez pas, on va les recycler”.
Chaleur directe ou production d’électricité ? Quelle géothermie pour se reconvertir ?
Tout dépend de l’objectif. Mais soyons honnêtes : la géothermie électrogène (production d’électricité) colle bien mieux à l’ADN des pétroliers. Pourquoi ? Parce qu’elle reprend leur logique habituelle : explorer, exploiter, et abandonner. Une centrale électrique, ça s’installe, ça produit un produit utilisable, et on passe à autre chose. Rien de très différent du bon vieux temps.
En revanche, la chaleur directe ? Pas leur domaine. Là où la production électrique reste dans leur zone de confort, les réseaux de chaleur exigent des compétences qu’ils ne possèdent pas : gestion de l’acheminement, maintenance d’infrastructures, relations avec les collectivités locales… C’est un autre métier, presque un autre monde.
Conclusion
Après des décennies à perfectionner une expertise exceptionnelle des sous-sols, à se hisser au rang de leaders technologiques et économiques de notre société, seront-ils capables de se réinventer en mettant leurs atouts du passé au service de l’avenir ? Certains diront qu’ils ont creusé la tombe de l’humanité. Mais qui sait, peut-être sauront-ils la transformer en hammam chauffé à la géothermie.
Voilà un article intéressant. Merci.
Une remarque: dans les gisements pétroliers il y a des puits de production et des puits d’injection d’eau pour maintenir la pression dans le réservoir. Le défi à la conversion peut surtout être du à des conditions financières défavorables: température d’extraction trop basse, éloignement du marché, coût d’infrastructure trop élevé…
Merci pour le commentaire ! Je partage votre avis.
C’est vrai que les puits de pétrole sont souvent éloignés des centres de vie, rendant peu viable l’exploitation en usage direct de la chaleur. Peut-être y-a-t-il du potentiel tout de même pour de la production électrique dans les cas où la température est suffisamment élevée ?
Les industriels du pétrole… vous n’y êtes pas du tout !
Ils raisonnent toujours sur des rendements à 2 chiffres, grâce à une prédation séculaire sur les ressources fossiles, ce que la géothermie ne permettra jamais.
Ne rêvons pas, sous la forme de leurs structures actuelles, il n’y viendront pas. Comparé au solaire ou à l’éolien : trop coûteux, trop risqué…
A nous/vous de s’emparer de la connaissance accumulée pendant plus d’un siècle pour développer (ou pas) la géothermie… et les chercheurs qui ont travaillé avec et pour les pétroliers sont encore pleins de ressources…
Laissez-nous un peu espérer …
Mais il est vrai que les pétroliers n’ont pas vraiment l’état d’esprit nécessaire pour la géothermie. Il serait quand même pertinent d’au moins essayer de les embarquer au vue de leurs connaissances.
Il y a pas mal d’ancien travailleurs de l’industrie du pétrole qui se ré-orientent vers la géothermie quand leur éthique et leurs considérations environnementales reviennent à la charge. Et qu’ils y voient une opportunité économique bien sûr. Quand je vois le parcours de Cindy D. Taff par exemple, je me dis qu’il y a de l’espoir !
Alors, oui et non…
Oui, c’est vrai que l’industrie pétrolière dans sa globalité n’est pas franchements enthousiasmée par la rentabilité géothermique
Mais par contre a vous lire on dirait qu’ils ne s’y sont pas mis du tout
Chevron par exemple a longtemps été un acteur majeur en Indonésie et aux Philippines (depuis les années 80). A la fin des années 2010, ils ont vendu leurs assets a des consortiums mais ils restent actifs dans le secteur et plusieurs entreprises dans ces pays sont des résidus de Chevron.
Récemment BP entre autres a investi dans des technologies de drilling closed loop pour que la rentabilité géothermique devienne enfin assez intéressante pour eux
Côtes Services (a ne pas oublier si on parle de l’industrie pétrolière) SLB a une branche géothermie avec GeothermEX depuis 15 ans, pareil avec Baker Hughes et GCA, etc.
Le but était surtout de mettre en avant les parallèles et potentielles similitudes entre l’exploration pétrolière et géothermique.
J’ai quand même l’impression que c’est une énergie qui n’est pas mise autant en avant que les autres renouvelables par les industriels du pétrole. C’est sûrement biaisé par le fait que le principal représentant de l’industrie pétrolière en France soit Total Energies. Eux pour le coup ne sont pas fan de la géothermie.
Merci à vous pour ces précisions, votre contribution est importante et pertinente !